« Les cartons »
Projet personnel, premier volet de la série En Boîte.
Projet personnel, premier volet de la série En Boîte.
Il m’aura fallu du temps pour accoucher de cette première salve d’images. Le déclic remonte à la masterclass avec Le Turk, en mai 2021. Avant je réalisais déjà des projets personnels en studio, mais sans réelle méthode et avec des fonds papier dont je me lassais. Il me fallait évoluer vers des choses plus construites, dans tous les sens du terme. C’est ce que je suis allé chercher auprès du Turk, et que j’ai trouvé : des armes pour m’ouvrir de nouvelles possibilités.
Sur la fabrication de décors bien sûr, mais aussi sur la façon de structurer ses idées en séries d’images. Sébastien Salamand nous avait prévenu, « faites des choses à votre portée », « une idée géniale qui ne voit jamais le jour a moins d’intérêt qu’une photo moyenne qui se fait » (NDLR : j’ai mis des guillemets mais ce ne sont pas des citations exactes). J’ai donc réfléchi à une thématique avec ces conseils en tête, et en fonction d’autres paramètres : capacité de stockage des décors, complexité de la création, coût des matériaux, etc.
Une de mes images préférées de cette série.
Cette première série sera sur l’aliénation. C’est-à-dire la dépossession de ce qui fait l’essence même de l’individu. Mais pas tant imputable à des forces extérieures comme dans la théorie marxiste qu’à des faiblesses intérieures. « Things you own end up owning you » dit Brad Pitt dans le film Fight Club. J’ai décidé de mettre en forme cette notion par le biais de l’enfermement. L’individu devenu esclave de ses lubies est confiné dans des boîtes. Dans cette première série, l’individu devient prisonnier de sa consommation effrénée. Le principe maintenant sera de décliner cette thématique, avec d’autres types de boîtes et de maux.
Que vient faire la nudité là-dedans ? D’abord le dépouillement sert parfaitement bien le message. Ensuite je n’avais pas envie d’avoir à gérer du stylisme vestimentaire en plus. Sauf à créer des haillons de papier kraft, pour rester dans le thème.
Au tout début du projet, j’ai commencé par faire des esquisses des rendus que j’avais en tête. Je dessine mal donc c’est sommaire. J’essaye simplement de faire attention aux proportions et de « composer » mes futures images. Pas que je veuille m’enfermer moi même dans du préconçu – je sais que le jour venu, le naturel de l’improvisation reprend ses droits – mais ça me permet de voir ce dont j’ai besoin pour mes décors.
Les croquis d’intention.
La phase de production peut alors commencer. Il faut déjà rassembler suffisamment de cartons, en bon état, d’assez grandes tailles et de différentes formes. Chose faite, ces supports doivent être transformés : je ne veux pas des cartons mates réalistes, mais un aspect tableau / indus. Tous les cartons sont donc peints, avec une palette de marrons déclinés sur la base des trois composantes primaires rouge, bleu et jaune. J’aurais pu acheter du marron tout fait, ou mélanger du rouge et du vert (ou de l’orange et du bleu). Mais avec trois couleurs, on arrive à des variations de nuances beaucoup plus riches.
Ca me permet également de faire correspondre les autres éléments du décor avec les cartons, à savoir les deux feuilles déco de 1,2 x 2,5 m, ainsi qu’un cube de bois qui doit passer pour un carton.
Une fois la peinture sèche, je crée la patine à base de bombes aérosols, et enfin je vernis les supports pour qu’ils prennent bien la lumière. Viendront ensuite les découpes des cartons à « enfiler » (celui pour la tête et celui pour le corps). Et quelques customisations avec des pochoirs (logo Amazon, écritures « fragile », « bas », etc.), qui seront ajoutées la veille du shooting, voire le matin même.
Cartons avant / après, et tests à différents moments (mise en place puis lumières).
Pas question d’impliquer une modèle et une maquilleuse sans être sûr que mon projet allait tenir la route. J’ai donc effectué des tests, à la fois de composition mais aussi « d’enfilage » de cartons. J’ai produit les décors selon mon gabarit svelte, à charge pour moi de trouver une modèle avec une silhouette équivalente.
Les lumières, je les ai préparées la veille. Jusqu’à 7 sources, quasi toutes continues, et quelques flashs. Pas mal de gélatines colorées, beaucoup de fumée et des modifieurs du genre plutôt précis (Fresnel, bols, lumière focalisable, drapeau et coupe-flux).
Tout ce processus créatif prend du temps, surtout quand il faut jongler avec l’activité professionnelle, la vie de famille, les emplois du temps des différentes personnes concernées, la disponibilité du studio, etc. J’ai pris beaucoup de temps pour cette première série, peut-être trop, mais je suis content de ce qui a été fait ! Un grand grand merci à Chloé Hollandre, la modèle, et Charline Anglada, maquilleuse (et opératrice machine à fumée).
Vous pouvez aussi m’appeler au 06 62 555 963